BCM-514

Biochimie des protéines


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5.0 La purification des protéines

5.1 Les différentes étapes d'une purification

5.1.1 Paramètres

Ce sont ses caractéristiques intrinsèques, celles qui rendent une protéine unique, qui vous permettront de la séparer de ses congénères cellulaires. Une protéine a une masse, une forme, des structures primaire, secondaire, tertiaire et peut-être quaternaire; elle a une certaine charge à un pH donné, elle présente une certaine densité; elle possède un certain degré d’hydrophilicité ou d'hydrophobicité. Elle a peut-être des isoformes suite à un épissage alternatif. Elle se retrouve peut-être dans une certaine région de la cellule ou dans une organelle donnée. Elle a peut-être été nantie, par génie génétique, d’un quelconque marqueur facilitant son identification. Tous ces critères peuvent être utilisés dans votre démarche: votre stratégie de purification n’est réellement régie que par l’augmentation de vos chances de succès.

L’équipement disponible dans votre laboratoire sera un des facteurs les plus importants dans le choix de cette stratégie. Supposez que vous ayez à retrouver Carlos Sanchez dans une foule. Carlos est un Paraguayen de petite taille, avec une moustache et des cheveux noirs; il porte une cicatrice au genou gauche, il boit son café noir et fume des Gitanes. Votre instrument de travail est un téléphone et vous devez travailler dans l'obscurité. Il y a gros à parier que votre stratégie d’identification reposera davantage sur l’accent paraguayen de Carlos que sur son goût en fait de café. C’est la même chose avec les protéines : si vous disposez des appareils vous permettant d’utiliser la charge comme moyen de séparation, allez-y; c’est la même chose avec la taille ou la densité. Ne vous croyez pas obligé d'utiliser tous les paramètres en même temps.

Paramètre

Technique

Taille

Filtration sur gel

Solubilité

Précipitation séquentielle au sulfate d'ammonium

Charge

Chromatographie d'échange d'ions

Densité

Centrifugation sur gradient; ultracentrifugation

Hydrophobicité

Chromatographie en phase inverse

Marqueur ajouté

Chromatographie d'affinité

 

5.1.2 Exemple simulé d’une purification protéique

Etape

Quantité de votre protéine (unités arbitraires)

Proportion de votre protéine

matériel brut

4000

1 : 2 000 000

1

1000

1: 500 000

2

500

1: 100 000

3

200

1: 1 000

4

10

1: 100

5

5

1: 2

Le tableau ci-haut simule une purification protéique. Dans le matériel brut (un extrait cellulaire, par exemple) disons que nous avons 4000 unités arbitraires de notre protéine. Pour chaque unité de cette protéine, on compte 2 millions d’unités d’autres protéines (en plus de beaucoup de matériel non-protéique). Comme vous le voyez, nous avons affaire à une aiguille dans une botte de foin (ou dans une très grande boîte d’aiguilles). Une première étape de purification, qui d’habitude vise à éliminer le matériel non-protéique présent dans l’extrait, nous fait perdre les trois quarts de notre matériel (oups!) tout en en augmentant la pureté par un facteur de 4, puisque maintenant pour chaque unité de notre protéine on ne retrouve plus que 500 000 unités d’autre chose.

La deuxième étape décrite ci-haut nous coûte moins cher en matériel, puisque nous ne perdons que la moitié du matériel qui nous reste. En plus, elle permet d’augmenter le facteur de pureté de cinq fois.

Pourquoi ne pas avoir adopté cette seconde étape en premier lieu, demanderez-vous, puisqu’elle a clairement un meilleur rendement? Les réponses peuvent être multiples. Il se peut que l’étape 2 ne puisse pas être réalisée avant l’étape 1 à cause de la sensibilité de l’étape 2 aux contaminants éliminés par l’étape 1; il se peut que l’étape 1 livre l’ échantillon à une concentration de sels qui permet de pratiquer l’étape 2 tout de suite, alors que l’échantillon livré par l’étape 2 a besoin d’être dialysé avant d’être propre à passer par l’étape 1... L’expérimentateur doit considérer toutes ces options et faire un choix en conséquence. Un des critères à respecter pendant une purification est que plus on fait vite, meilleures sont nos chances d’avoir du bon matériel à la fin. Mieux vaut donc autant que possible limiter les étapes en nombre et en durée.

L’étape 3 qui suit l’étape 2 a un très bon rendement : pour une perte d’un peu plus de la moitié du matériel, notre pureté augmente d’un facteur 100!!! À l’inverse, l’étape 4 présente un rendement pitoyable puisque nous perdons 95% de notre matériel pour un gain de pureté de 10 fois seulement. Une telle étape serait certainement à reconsidérer dans un exercice réel!

Finalement, l’étape 5, qui nous coûte encore la moitié de notre matériel, nous donne une protéine presque pure puisqu’elle constitue la moitié du matériel qui nous reste.

5.2 Planification

Chaque heure de planification vous sauvera dix heures d’effort. Avant d’entreprendre quoi que ce soit, assurez-vous d’abord que tous les appareils soient disponibles, en état de marche, et pas réservés par quelqu’un d’autre (réservez-les vous-même tout de suite). Soyez sûr que toutes vos solutions soient préparées et refroidies à 4°C; que votre matériel soit prêt et que vous ayez mis assez de temps de côté pour vous concentrer à la tâche. Ce sont là des considérations terre-à-terre à l'extrême, mais vous seriez surpris de constater à quel point elles peuvent être négligées même par des scientifiques chevronnés. (Un bon truc en passant: gardez toujours une grande quantité d'eau stérile à 4°C. On ne sait jamais quand on aura à préparer une solution en catastrophe... et si dissoudre une poudre se fait en un tournemain, refroidir un litre de solution peut prendre des heures)!

Votre planification doit inclure les étapes suivantes , que nous allons explorer une à une.

1- Essai. Comment allez-vous suivre votre protéine pendant sa purification? Rappelez-vous, dans la vraie vie une protéine en solution ressemble pas mal à un peu d’eau malodorante dans un tube. Vous devrez disposer de moyens pour savoir si votre protéine est là ou non à chaque étape de sa purification.

2- Choix de la source de matériel. Source native vs source recombinante; source dispendieuse mais idéale vs source moins idéale mais peu chère; impératifs scientifiques vs impératifs pratiques... vous aurez parfois à faire des choix déchirants.

3- Choix d’une technique d’extraction. Elles sont nombreuses, et présentent toutes des avantages et des inconvénients.

4- Séparation et enrichissement. D’une masse de protéines et de cochonneries cellulaires, vous devrez extraire la pépite d’or. Les techniques de séparation utilisent différents aspects physico-chimiques des protéines, telles que leur charge (chromatographie d'échange d'ions), leur masse (filtration sur gel, gradients de densité) et leur solubilité (précipitation différentielle au sulfate d'ammonium).


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benoit.leblanc@usherbrooke.ca