BCM-514

Biochimie des protéines


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6.0 Analyse des protéines purifiées

6.6 Microscopie de force atomique (AFM)

Cette technique non-destructrice permet de relever des détails topographiques à très petite échelle. Elle détecte les formes des molécules un peu comme vous le faites en tâtant une surface avec un doigt. Dans ce cas-ci, le doigt est remplacé par un levier extrêmement ténu (la sonde). La position de cette sonde est suivie par la déviation du tracé d'un rayon laser qui rebondit en permanence sur sa surface réfléchissante et se rend jusqu'à un photodétecteur. Tout mouvement de la sonde quand elle grimpe par dessus un obstacle ou descend dans une cavité se traduit par une déviation du rayon, déviation qui est notée par le photodétecteur.

Une boucle de rétroaction permet de modifier la force appliquée au levier (lui permettant, par exemple, de relâcher la pression quand il monte sur une bosse), ou encore de maintenir sa hauteur constante.

L'université de Guelph a un site instructif sur le sujet.

 

On distingue trois types d'AFM, dépendant du mouvement de la sonde. En mode Contact ou répulsif, la sonde est en contact avec l'échantillon. La force appliquée sur le levier est fonction de la forme de l'échantillon: elle est relâchée légèrement quand on monte et renforcée légèrement qand on descend.

En mode Sans Contact, la sonde ne touche pas l'échantillon mais est maintenu au-dessus de celui-ci, à 50-150 Angstroms. Les forces de Van der Waals entre la sonde et l'échantillon créent une tension entre les deux, et la mesure de cette tension permet d'établir la forme de l'échantillon. Le mode sans contact est utile pour les échantillons fragiles que la sonde pourrait endommager en les touchant.

En mode "poule qui picore" (tapping mode), la sonde monte et descend très rapidement (50 000 - 500 000 Hz). Quand la sonde est au dessus d'une bosse, elle a moins d'espace pour osciller; quand elle est au dessus d'un creux, elle en a davantage. Ces variations permettent d'établir le profil de l'échantillon. Ce mode a l'avantage de ne pas "traîner" le long de l'échantillon, ce qui évite les problèmes causés par les interactions électrostatiques, par l'adhésion, par la friction, et la plupart des problèmes rencontrés d'habitude par les deux autres modes.

La microscopie de force atomique a permis de visualiser la structure de la chromatine, la position de polymérases sur l'ADN, et de nombreuses autres structures ne relevant pas toujours de la biologie.

Ce lien mène à de très belles images obtenues par AFM. On peut y suivre la condensation croissante d'un fragment de chromatine en fonction de la concentration en sel dans le milieu ambiant.

Les avantages de l'AFM sont nombreux. Elle ne requiert pas la destruction de l'échantillon, ne demande pas de coloration et donne une excellente idée de la forme de l'échantillon.


6.7 Séquençage des protéines

1953 fut l'année où les travaux de Crick, Watson et Rosalind Franklin nous permirent de visualiser la molécule d'ADN sous la forme hélicale qui nous est maintentant familière. Cette date devrait aussi être remémorée comme celle où où Frederick Sanger décrivit la séquence des résidus dans une molécule d'insuline.

Le séquençage protéique est un procédé classiquement décrit en six étapes.

1- Détermination de la composition en acides aminés.

2- Identification des bouts.

3- Fragmentation de la chaîne polypeptidique.

4- Séquençage des fragments.

5- Seconde coupure de la chaîne polypeptidique avec un nouvel agent.

6- Agencement des fragments obtenus et séquencés.

1- Détermination de la composition en acides aminés. Cette étape a pour but d'évaluer la quantité de chaque acide aminé présent dans un peptide ou une protéine. On y parvient en brisant chaque lien peptidique de la protéine et en analysant ensuite le mélange obtenu par séparation chromatographique sur HPLC. Bien sûr, une fois qu'on a une idée de la nature et de la quantité des acides aminés contenus dans la protéine, il reste à en déterminer l'ordre.

2- Identification des bouts. Il existe des réactifs comme le 1-fluoro-2,4-dinitrobenzene

ou le chlorure de dansyl qui réagissent avec la partie N-terminale des protéines et leur greffent un groupement supplémentaire. Alors que les liens peptidiques sont coupés par un traitement à l'acide, ces groupements supplémentaires restent greffés à au résidu situé le plus en 5' de la protéine; on peut alors identifier quel est l'acide aminé qui porte un appendice surnuméraire.

Pour l'extrémité C-terminale, on a recours à une protéolyse contrôlée avec la carboxypeptidase Y, C ou P (elles coupent le résidu situé le plus en 3 prime). Il fait alors faire attention à ne pas digérer plus d'un acide aminé à l'extrémité C-terminale.

3- Fragmentation de la chaîne polypeptidique. Un traitement avec des agents chimiques ou des enzymes capables de couper la chaîne polypeptidique à des sites précis (la trypsine, par exemple, coupe après une lysine ou une arginine; la chymotrypsine après un résidu aromatique) permettra de réduire une grosse protéine en plus petits peptides. Ceux-ci pourront être séquencés séparément après séparation chromatographique.

4- Séquençage des fragments. La dégradation d'Edman permet d'enlever un par un les résidus en commençant par l'extrémité N-terminale. On arrive ainsi à déterminer la séquence de fragments d'environ 20 résidus.



5- Seconde coupure de la chaîne polypeptidique avec un nouvel agent. Nous avons, en (3), coupé la chaîne avec un réactif ou un enzyme afin de pouvoir séquencer les fragments obtenus. Pour pouvoir enligner ces fragments, il nous faut maintenant recommencer (3) et (4) avec un nouvel échantillon de la protéine intacte et un agent différent. (Par exemple, si on a utilisé la trypsine en (3), on pourra maintenant utiliser la chymotrypsine).

6- Agencement des fragments obtenus et séquencés. Chaque fragment peptidique que nous avons séquencé se situe quelque part dans la séquence globale de la protéine. En comparant les fragments de la première digestion (en 3) à celle de la seconde digestion (en 5) et en ayant identifié le résidu de l'extrémité N-terminale, on peut enligner toutes nos séquences par leur bout se chevauchant.



Pour découvrir où se situent les ponts disulfures, on peut faire comme Sanger sur l'insuline: il a utilisé de l'acide prformique, qui non seulement coupait les ponts disulfures mais en plus convertissait les chaînes latérales résultantes en

-CH2-SO3H plltôt qu'en -CH2-SH. Lors de la séparation pendant la séquence, on peut noter que ces cystéines modifiées ont une migration anormale.


6.8 Synthèse de peptides

Ce n'est pas vraiment une technique d'analyse, mais puisqu'elle est pratiquement le contraire conceptuel de la dégradation d'Edman nous allons rappeler ici les bases de la synthèse chimique de peptides.

On y utilise une phase solide sur laquelle la chaîne est alongée, un résidu à la fois, par l'addition en séquence des réactifs appropriés.

La synthèse se fait à l'envers de ce qui se passe dans la nature: c'est à dire que le premier acide aminé de la chaîne est le plus C-terminal (c'est lui qui est attaché au support solide). Le groupe N-terminal de ce résidu est protégé par un groupement Fmoc (9-fluorenylmethoxycarbonyl-), qui est stable dans les acides mais pas les bases.

Le groupe Fmoc est enlevé par traitement à la piperidine 20% dans le dimethylformamide. Les réactifs sont retirés par lavage.

Pendant ce temps, le deuxième acide aminé se prépare. Sa chaîne latérale est protégée par un groupement chimique, mais son extrémité carboxy-terminale est activée par conversion en un ester avec le HOBt ou N-hydroxybenzotriazole. Ce deuxième acide aminé est mis en présence du premier toujours fixé sur le support solide, et l'extrémité C-terminale du second vient former un lien peptidique avec l'extrémité N-terminale (déprotégée) du premier.

Ce cycle est répété autant de fois que nécessaire et la chaîne s'allonge d'un résidu à chaque fois.

Quand le polypeptide est complété, il est libéré du support solide par traitement à l'acide trifluoroacétique, en présence de scavengers qui servent à neutraliser les cations formés pendant le retrait des groupes protecteurs des chaînes latérales.


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